Arras (Saint-Nicolas-sur-les-fossés) 26.03.1757 - Douai 17.10.1834. Magistrat et homme de lettres, condisciple de Robespierre, fondateur des Rosati en 1778, avocat au conseil d’Artois en 1781.
Élu le 7 janvier 1786 pour succéder à Alexandre Harduin de Grosville sur le 28e fauteuil Son fauteuil est attribué en 1817, à la restauration de l’Académie, à Thomas Joseph Monel.
Il est le fils du notaire Etienne Antoine François Lenglet et de Géry-Pélagie Grenier. Après ses études au collège d’Arras, où il est condisciple de Robespierre, il étudie le droit et il est reçu avocat au Conseil d’Artois en 1781. Il s’y fait remarquer par son talent oratoire. En 1788, il rédige le prospectus du journal Affiches d’Artois et, aux côtés de Marceline Desbordes-Valmore, collabore à la Feuille de Roubaix.
Au début de la Révolution, il manifeste sa sympathie pour les premiers mouvements populaires, plaide la cause des pauvres devant l’échevinage, réclame la baisse du prix des blés de qualité inférieure. En 1789, dans une petite brochure de trente-deux pages, en réponse à l’abbé Siéyès, il soutient la confiscation des biens du Clergé en proposant qu’ils soient remplacés par des « traitements proportionnés à l’importance des travaux et des services des personnels ecclésiastiques ».
Le 11 mai 1791, il est nommé juge au tribunal de Bapaume et, en 1792, devient commissaire national près le tribunal d’Arras. Très actif, il s’exprime sur l’impôt qui ne devrait pas être proportionnel mais progressif, sur le régime censitaire qui prive les pauvres du droit de vote. Il réédite en 1792 son Essai ou observation sur Montesquieu paru en 1787 dans lequel il exprimait son « optimisme quant aux volontés réformatrices des monarques éclairés ».
Sous la Convention, il est agent national du district d’Arras. Il y exerce un rôle modérateur, et se prononce contre les excès révolutionnaires. Lors de la chute des Girondins, le 2 juin 1793, il ne salue pas l’événement et refuse de soutenir les Montagnards. Lors du coup d’État de Thermidor, il fait preuve d’une grande sévérité à l’égard de Robespierre et de Lebon. Cela lui vaut de conserver son poste. Partisan du conservatisme social, il prêche la liberté de la presse comme rempart contre la tyrannie et la fin du gouvernement révolutionnaire. Il correspond avec Babeuf qui s’intéresse à ses prises de position, mais leurs vues diffèrent trop et Lenglet ne s’engage pas aux côtés des babouvistes du département. Il est maintenu par la réaction thermidorienne, mais il est rétrogradé et doit se contenter du poste modeste d’adjoint de l’agent national du district d’Arras.
Sous le Directoire, en novembre 1795, il est promu juge au tribunal criminel départemental à Saint-Omer. Un temps professeur d’histoire à l’École centrale de Soissons, il reprend en 1797 son poste de juge au tribunal départemental à Saint-Omer. Élu le 24 germinal an VI (13 avril 1798),député du Pas-de-Calais au Conseil des Anciens, il prend une part active à l’élaboration des lois : il s’exprime sur les projets de loi relatifs aux prises maritimes (9 ventôse an VII, 27 février 1799), à l’usage et aux abus de la presse (3 thermidor an VII, 21 juillet 1799), à la liberté civile et politique (12 thermidor an VII, 30 juillet 1799), aux moyens de prévoir et de réprimer le vagabondage (12 vendémiaire an VIII), 4 octobre 1799) ; il a aussi été rapporteur de la résolution relative au curement d’une rivière et d’un canal arrosant le canton de Neuve-Église, département du Pas-de-Calais (12 fructidor an VII, 29 août 1799). Opposant déterminé au coup d'État de Bonaparte le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), il interpelle fermement celui-ci lors de la séance du 19 brumaire au Conseil des Anciens, le rappelant au respect de la constitution. Quelques heures plus tard le Conseil des Anciens se dissout volontairement. C’en est fini de la carrière politique d’Étienne Lenglet qui rentre pour quelques mois dans la vie privée, avant de retrouver la magistrature.
En mars 1800, Bonaparte ne lui ayant pas tenu rigueur, Lenglet obtient une chaire d’histoire à l’École centrale du Panthéon, poste qu’il abandonne lorsqu’il est nommé président du tribunal d’appel de Douai, le 7 messidor an VIII (26 juin 1800). Il échange ce titre, le 6 avril 1811, contre celui de président de chambre à la Cour impériale de Douai. Magistrat inamovible, il conserve son poste sous la Restauration malgré l’indépendance d’esprit dont il continue à faire preuve.
Par contre il est tenu à l’écart de l’académie d’Arras lors de son rétablissement en 1817 et il n’obtient la croix de la Légion d’honneur qu’en août 1830, sous le règne de Louis-Philippe. L’Académie, pourtant lui rend en 1836, un vibrant hommage en 58 pages dans sa livraison des Mémoires de 1837, relatant la séance publique du 28 août 1836 : « … un de ces hommes remarquables qui font honneur à leur patrie et à l’humanité ; un de ces juges indépendants, vertueux, pleins de conscience et de force d’âme… Recommandable comme homme public et privé, il s’est aussi distingué comme écrivain par une foule de productions intéressantes qui révèlent un haut mérite… »
Son œuvre écrite porte sur de nombreux sujets. Il fait une fine analyse de l’Esprit des Lois de Montesquieu chez qui il apprécie le souci de trouver « les meilleures institutions, les meilleures lois, le meilleur gouvernement », préoccupation qui animera constamment Lenglet aussi bien dans sa vie publique que dans l’exercice de ses fonctions de juge et de président de tribunal : il fait des propositions sur les biens ecclésiastiques, sur la répartition des impôts, sur les assemblées constituantes, sur la législation du mariage et sur bien d’autres sujets dont la bibliographie ci-dessous tente de rendre compte, de nombreux écrits étant des textes de circonstance ou restés à l’état de ma nuscrits ou encore n’ayant pas pu être menés jusqu’au bout ; c’est le cas d’un vaste projet portant sur l’histoire ancienne . On connaît de lui une dizaine d’écrits politiques de circonstance des années 1789 à 1791, deux études de philosophie juridique et une dizaine d’études de philosophie historique dont la principale est une Histoire de l’Europe et des Colonies de 1756 à 1830 en 6 volumes.
Il est l'époux de Thérèse-Françoise-Adélaïde Gillet, belle-sœur de son ami Louis-Ferdinand Charamond, autre fondateur des Rosati, et le père du magistrat douaisien Lucien Thrasybule Lenglet, opposant libéral sous la Monarchie de Juillet, député du Nord à la Constituante de 1848, et de l’académicien arrageois Guillaume Térence Lenglet.
Chevalier de la Légion d’honneur le 30 août 1830.
Publications
Histoire de l'Europe et des colonies européennes depuis la guerre de Sept ans jusqu'à la Révolution de juillet 1830, six tomes, édition posthume, 1837-1840
Questions sur le pacte social français, 1815.
Introduction à l'histoire, ou Recherches sur les dernières révolutions du globe et sur les plus anciens peuples connus, 1812.
De la propriété et de ses rapports avec les droits et avec la dette de citoyen, 1798.
Essai sur la législation du mariage, suivi d'Observation sur les dernières discussions du Conseil des Cinq-cents, concernant le mariage, 1797.
Expliquons-nous, réflexions sur la liberté de la presse, sur le gouvernement révolutionnaire, sur la souveraineté du peuple, sur les Jacobins, et les insurrections, 1795.
Essai ou Observations sur Montesquieu, 1787, réédité en 1792.
Essai sur la législation du mariage et sur le divorce (1792).
Réflexions sur le paiement des impôts, lues par É.-G. Lenglet dans la première séance publique de la Société des amis de la constitution d'Arras le 18 février 1791. Imprimé par ordre de cette société.
Principe général sur la répartition des impôts, 1790
Du domaine national, ou réponse à l’abbé Sieyès sur les biens ecclésiastiques, 1789
Prospectus : Affiches d’Artois, 1788.
Rêveries diplomatiques après la prise de la Hollande (s.d.).
Sources
Base Léonore : LH/1587/36 état civil
Cinquante figures du Pas-de-Calais, 1989.
NORMAND Rose-Marie et RUFFAULT Thérèse, « Etienne-Géry Lenglet, membre fondateur des Rosati » in Revue de la Société des Rosati, n°50, 2019.
PARENTY, vic. gén., « Notice de Lenglet Etienne Géry », in Van Drival, Histoire de l’académie, Arras, 1872, p.321 à 325.
E.T., "Notice nécrologique sur la vie et les ouvrages de M. Lenglet", Mémoires de l'Académie d'Arras, 1ère série, t. XVII (1836), p. 131-198.
Agnès et Gérard Devulder