Franvillers (Somme) 22.06.1867 – Arras 20.04.1945. Ancien inspecteur des contributions indirectes, ordonnateur des hospices civils, conseiller municipal, résistant de la première heure.
Élu en 1941 pour succéder à Émile Bloquel sur le 9e fauteuil. Il est remplacé en 1945 par le docteur Georges Paris.
Il est le fils d’Ernest Mathon, tisseur, et d’Inésia Guyon, tisseuse. Il est l’époux de Palmyre Rasson, fille d’un ménage de tisserands de Wattrelos (Nord). De son mariage, il a eu un fils, César Jules, tué au front, en Champagne, le 7 août 1918.
Fonctionnaire des contributions indirectes depuis 1889, il est tour à tour commis à Lens où naît son fils (1892), puis à Rouen (1896), et enfin à Arras (1901), où il devient commis principal, contrôleur, puis inspecteur, responsable de l’entrepôt des tabacs, chargé de la distribution des produits du monopole aux débitants d’Arras.
Républicain convaincu, il est secrétaire général de la Ligue des Droits de l’homme en 1904, et président du comité radical-socialiste. Initié à la loge Conscience du Grand Orient de France d’Arras en 1904, en même temps que Fernand Lobbedez, il en gravit rapidement les échelons jusqu’à devenir « vénérable » le 8 janvier 1913.
Pendant la Grande Guerre, il est l’un des rares fonctionnaires à rester à son poste dans une ville constamment bombardée, et, en dehors de ses fonctions qu’il assume aussi bien que possible, il apporte son aide à l’hôpital Saint-Jean. Durant cette période, il tient un journal de guerre extrêmement détaillé où, pour chaque jour, il note la météo, le nombre d’obus tombés, l’heure de leur chute, leur localisation précise en ville, ainsi que le nombre et le nom des victimes... Son crayon se fait souvent accusateur : officiers incapables, soldats ivrognes ou pillards, Jules Mathon laisse paraître son indignation à de nombreuses reprises. Obligé de quitter la ville par l’autorité britannique en mars 1918, il est temporairement inspecteur dans le département de Meurthe-et-Moselle, avant de revenir et de reprendre son poste à Arras.
Membre de la commission des hospices d’Arras depuis 1920, il en est l’ordonnateur à partir de 1924 et conserve cette fonction jusqu’à son décès, agissant tant comme représentant du préfet que comme délégué du conseil municipal. Il administre ces établissements charitables en « consacrant la plus grande partie de son temps à leur assurer la gestion la plus économique, mais aussi la plus largement satisfaisante ». Il acquiert la sympathie de tous : administrateurs, personnel médical ou administratif, malades. Le docteur Paris en a été témoin de son empathie : « Ce sont les enfants et les religieuses qui bénéficièrent le plus de sa bonté et de son dévouement. Chaque jour, en arrivant à l’hôpital, il se rendait dans le service des enfants, les entourait, les cajolait, se laissait tirer la barbe par les plus jeunes ou distribuait bonbons ou gâteries aux plus grands… à moins qu’il ne les laissât s’amuser de son éternel petit chapeau rond. Chaque jour également, il visitait la communauté religieuse, s’enquérait des besoins de chacune des sœurs et toutes savaient qu’elles pouvaient compter sur lui, comme lui sur elles. »
Élu conseiller municipal aux élections de 1929, réélu deux fois, il est nommé rapporteur du budget. C’est comme ordonnateur des hospices et conseiller municipal qu’il refuse de quitter Arras lors de l’évacuation de 1940. Resté seul à l’hôpital avec le docteur Georges Paris et un médecin militaire, il aide à organiser, malgré son âge (73 ans) l’évacuation de quelque trois-cents grands blessés au cours du bombardement incendiaire qui détruit l’établissement le 23 mai.
Il est arrêté le 3 septembre 1940 par les Allemands qui le savaient haut dignitaire de la loge maçonnique, parce qu’il ne voulait pas livrer la liste des francs-maçons et interné dans la prison d’Arras. Enfermé dans l’infirmerie, il obtient de se faire apporter la comptabilité de l’hôpital sur laquelle il travaille toute la journée. Libéré au bout de six semaines, il reprend modestement son poste, et il est l’un des premiers à travailler avec Fernand Lobbedez à la formation d’un groupement de résistants.
Élu à l’Académie sur le tard, (à l’âge de soixante-quatorze ans), pendant les années tragiques de la guerre, il y est un modèle de régularité.
Il meurt à l’hôpital le 20 avril 1945, quelques jours avant l’armistice, d’une longue et douloureuse maladie. Son enterrement le mardi 24 avril 1945, bien que devant se dérouler dans la plus stricte intimité, sans fleurs ni couronnes, et sans discours, donne lieu à une imposante manifestation de la gratitude publique : derrière le corbillard des pauvres qu’il avait voulu pour le conduire à sa dernière demeure, toute la ville s’était rassemblée.
Officier d’Académie le 22 juillet 1906, médaille d’honneur des contributions indirectes le 30 mars 1918, médaille nationale de la reconnaissance française, Croix des services civiques 1914-1918, chevalier de la Légion d’honneur le 19 février 1919.
Le Cercle philosophique et culturel artésien créé le 1er janvier 2023, 8 rue des Dominicains à Arras, porte son nom, ainsi qu’une rue d’Arras.
Communication à l’Académie d’Arras,
Un quart de siècle d’administration hospitalière, mentionnée dans : « Rapport sur les travaux de l’année 1944 », in Mémoires de l’Académie d’Arras, année 1943-1944, fascicule II, p. 105-109.
Publication dans les Mémoires de l’Académie d’Arras
Origine des propriétés de l’hôpital Saint-Jean d’Arras, MAA 4e série, année 1943, fascicule 2, année 1943-1944, p. 105-109.
Journal non publié consultable à la Médiathèque d’Arras
Jules Mathon, « Journal de l’Occupation », tome 1452, bibliothèque d’Arras.
Sources
État civil : naissance AD 80, 5 MI_D377, p. 273/291 ; décès de son épouse, AD 62, 3 E 041/588, p. 149/186.
Journal officiel du 28 juillet 1906, p. 417, et du 20 février 1919, p. 1693.
MAA, 1945, p. 45
PETITOT Léonce, « Rapport sur les travaux de l’année 1944 », Archives de l’Académie.
PARIS Georges, « Jules Mathon, 1941-1945 », Mémoires de l’Académie d’Arras, 5e série, n° 1, (1945-1955), p. 8-10.
PARIS Georges, « La prison d’Arras de 1940 à 1945 », Mémoires de l’Académie d’Arras, 5e série, n° 1, (1945-1955), p. 105.
PARIS Georges, Un demi-siècle de vie arrageoise, 1900-1950, souvenirs d’un témoin, 1971.
« Jules Mathon », notice biographique et portrait in Entre équerre et compas, 1904-2004. Centenaire de la loge Conscience du Grand Orient à Arras, p. 207-209, 2004.
LEFEBVRE Denis, « Guy Mollet, le citoyen engagé, l’homme politique et le franc-maçon », dans La chaîne d'union, 2016/2 (N° 76), pages 71 à 79.
Francis Perreau et Michel Beirnaert