Saint-Juéry (Saint-Jacques-de-Cunay) (Tarn) 31.10.1789 – Paris 30.12.1863. Polytechnicien, ancien officier de la Grande Armée, capitaine au régiment du génie à Arras, physicien.

Académicien éphémère, élu le 16 janvier 1819 pour succéder à son supérieur hiérarchique, le commandant du génie Olry de Labry sur le 24e fauteuil. Muté peu après, il démissionne et il est nommé membre honoraire le 28 juillet 1819. Il est remplacé en 1820 par Charles Du Hays.

Fils d’un paysan du Tarn, Antoine Vène intègre l’École polytechnique en 1808, puis l’École d’application de l’artillerie et du génie de Metz, le 1er octobre 1810. Il est affecté au 5e bataillon de sapeurs au port du Helder en Hollande, en février 1812, avec le grade de lieutenant. C’est le début d’une carrière miliaire toute entière dans le corps du génie, et d’une carrière scientifique longue et originale.

Il rejoint le IIe corps de la Grande Armée en juin 1912, quand elle s’élance en Russie. [De ce moment, et jusqu’en 1815, son parcours est identique à celui du capitaine Répécaud, officier du Génie et futur académicien d’Arras lui-aussi.] Il est de tous les combats : Smolensk (17 août), la Moskowa-Borodino (7 septembre), et quand l’heure de la retraite sonne, Maloïaroslavetz (25 octobre) ; lors du passage de la Bérézina (26-29 novembre), il est employé à la construction des ponts sous les ordres du général Dode. Il réussit ensuite à rallier Dantzig où l’artillerie et le génie se reconstituent sous les ordres de Rapp. C’est là qu’il est promu capitaine le 2 juillet 1813. Il y subit le blocus de la ville par les troupes russes, échappe à la peste qui décime la population et les troupes françaises encerclées. Il est fait prisonnier avec ce qui reste de la garnison au début de janvier 1814. Libéré après la signature de la paix à Paris, en octobre 1814, il participe sous les Cent-Jours à la défense de Lille. Réincorporé sous le Restauration, le capitaine Vène est affecté à Saint-Omer, puis à Arras, en 1818. 

Dès son arrivée, il se fait admettre à l’Académie d’Arras où il est reçu au 24e fauteuil, le 16 janvier 1819. Il y succède au chef de bataillon Olry de Labry, qui commandait l’école régimentaire. Passionné de physique, il consacre tous ses temps libres à l’étude, commence à réfléchir aux problèmes de la mécanique appliquée à l’art de la construction, et s’intéresse aux théories sur la nature et les effets de l’électricité. L’Académie publie dans son premier cahier de Mémoires, en 1818, sa Notice sur l’électricité, puis son étude sur Électricité atmosphérique et variations du baromètre. Elle publie surtout, dans son tome II, en 1819, son Essai sur une nouvelle théorie de l’électricité, contenant une réfutation du système des deux fluides vitré et résineux, et une explication de plusieurs phénomènes météorologiques, ainsi que sa Solution d’un problème de physique, proposé par l’Académie de Bruxelles, et encore une Notice sur les déblais. Après son départ, l’Académie achève de publier les autres communications du capitaine Vène : dans son tome III, en 1820, sa Lettre sur le calorique, et une Dissertation sur l’identité des fluides électriques et galvaniques, et sur celle des forces chimiques et galvaniques ; dans le tome IV, en 1821, ses Observations sur la construction des thermomètres et ses Notes sur les fractions décroissantes périodiques. C’est dire l’intérêt que Vène a suscité à Arras. Il ne reçoit pas le même accueil à l’Académie des Sciences de Paris à qui il a aussi proposé sa théorie originale de « l’électricité conçue comme un fluide unique et susceptible de deux états », qui allait à l’encontre de la théorie des fluides de Coulomb, généralement admise ; l’Académie de Paris l’enregistre et en donne partiellement lecture publique le 26 octobre 1818, avant de la soumettre à l’examen critique des savants Charles, Gay-Lussac et Poisson qui ne rendent pas leur rapport…

Vène quitte Arras en 1819 et il est remplacé par Charles du Hays.

De 1819 à 1922, il est successivement en poste à Bapaume, Givet et Brest. Il continue sans relâche à faire de la science, et puisque Paris semble l’ignorer, il se tourne vers l’Académie de Bruxelles qui lui décerne des récompenses lors de ses concours de 1820 et 1822 où il obtient une médaille d’argent pour une étude sur Les lignes spiriques ; il est encore récompensé par Bruxelles en 1823. Il est aussi devenu en 1821 correspondant de l’Académie de Rouen.

En 1823 il est affecté à Navarrenx, dans l’armée des Pyrénées, et, avec elle, participe en 1823 à la campagne « légitimiste » contre les insurgés espagnols qui ont détrôné le roi Ferdinand VII ; il se distingue au siège de Cadix et à la bataille du Trocadéro (août 1823) où il est blessé. Il est décoré de l’ordre de Saint-Louis (6 septembre 1823) et de l’ordre de Charles IV d’Espagne. Il sera décoré de la Légion d’honneur le 29 octobre 1826.

En 1826 il se fait affecter aux Colonies. Déjà noté à Brest comme « officier compétent mais irascible qui n’en fait qu’à sa tête », il provoque à chaque fois des conflits ou des incidents sérieux avec sa hiérarchie dont il dénonce la vénalité. Il passe un an et demi à la Guadeloupe qu’il quitte le 11 août 1827, après avoir été blâmé, suspendu de ses fonctions et mis aux arrêts aux Saintes. Il est « expédié » au Sénégal où il reste plus de trois ans, jusqu’à s’il se heurte au gouverneur de la colonie. Il est sauvé à chaque fois par ses états de service impressionnants et ses compétences scientifiques et techniques. Il a rédigé au Sénégal un Rapport sur les établissements anglais de la Gambie et les comptoirs français d’Albréda et de Casamance.

Rentré en France en 1831, il est affecté à Vannes puis en 1832 à Paris où il est ingénieur en chef du casernement. Il reprend ses études sur la mécanique appliquée à l’art de la construction amorcées à Arras en 1818 et publie son mémoire le plus important sur La loi que suivent les pressions. Il est enfin promu chef de bataillon en 1833. Il fait valoir ses droits à une pension de retraite en 1836. Il s’installe alors définitivement à Paris où il poursuit ses travaux scientifiques et intervient plusieurs fois à l’Académie des Sciences, de 1837 à 1840, pour « relever des erreurs graves dans les écrits académiques du temps ».

Sources

État civil : naissance : AD 81, Registres d’état civil, commune de Saint-Juéry, paroisse Saint-Jacques de Cunav, série du greffe, 2 E 074/001_10, BMS, image 32/34 ; décès : AD 75, état civil à partir de 1860, 1863, décès, 07, V4E 800, vue 24/25 ; Gazette nationale ou Le Moniteur universel, 31 décembre 1863.

Mémoires de l’Académie d’Arras, 1ère série, t. Ier (1818), t. II (1819), t. III (1820), t. IV (1821).

Base Léonore, LH//2684/87.

COURNOT Antoine Augustin [1801-1877], Œuvres complètes, tome XI, volume 1, Écrits de jeunesse et pièces diverses, p.167 sq., édité par Bernard Bru et Thierry Martin, librairie Vrin-Presses Universitaires de Franche-Comté, Paris-Besançon, 2010. [Consulté sur : Antoine Augustin Cournot, Bernard Bru, Thierry Martin, 2010. Mathematics, Htpps:/books.google.fr].

 

Michel Beirnaert