Achiet-le-Petit 30.07.1842 – Arras 04.10.1919. Ancien directeur du quotidien républicain L’ Avenir d’Arras et du Pas-de-Calais, inspecteur départemental des Enfants Assistés et des établissements de bienfaisance.
Élu en 1889, sous la présidence d’Henri de Mallortie, pour succéder à son ancien adversaire politique, le baron de Sède, sur le 27e fauteuil. Il est reçu le 30 octobre 1890 par le chancelier Louis Ricouart . Il est vice chancelier de 1902 à 1906. Il est remplacé le 12 mars 1920 par Henri Dupret.
Il est le fils de Jean-Marie Carlier, cultivateur et maire d’Achiet-le-Petit, et de Félicité Dehée. Il épouse sur le tard, le 2 décembre 1896, à Arras, Nelly Alphonsine Henriette Venelle, issue d’une famille de commerçants calaisiens.
Il fait d’excellentes études littéraires au collège d’Arras, mais on ignore tout de ses débuts dans la vie professionnelle. Quand la guerre franco-prussienne de 1870 éclate, il s’engage comme volontaire dans le 1er bataillon des mobilisés du Pas-de-Calais. Il est alors âgé de vingt-huit ans.
Sa vie publique commence après sa démobilisation. Elle se déroule en deux temps : pendant douze ans, de 1871 à 1883, il mène une vie trépidante de journaliste engagé pour la cause de la république ; pendant trente ans, de 1883 à 1914, il est un acteur majeur de la vie sociale, se dévouant au service de tous les déshérités du Pas-de- Calais, de l’arrondissement et de la ville d’Arras.
En mai 1871, il est engagé comme rédacteur en chef du journal républicain L'Avenir d'Arras et du Pas-de-Calais. Il seconde le fondateur, Alphonse Brissy, et, après sa mort, le 27 août 1873, devient le directeur-gérant de la société constituée pour continuer la publication du titre. L’Avenir d’Arras est l’organe du nouveau parti de centre-gauche qui soutient la politique de Thiers, et dont les représentants locaux sont le conseiller général [et académicien] Émile Lenglet et le maire d’Arras [et académicien] Ernest Deusy. Le journal devient vite influent. Il combat le bonapartisme en la personne du baron de Sède [académicien] soutenu par Le Courrier du Pas-de-Calais. Il combat encore, avec la même vigueur, le légitimisme animé localement par Charles Wartelle-Deretz [académicien], puis Auguste Paris[académicien], soutenus par Le Pas-de-Calais, et l’évêque d’Arras Jean-Baptiste Lequette. La fusion de l’Avenir avec son rival républicain l'Ordre, en 1875, en fait le journal républicain le plus important du Pas-de-Calais. Carlier s’engage particulièrement contre la politique réactionnaire du gouvernement de Broglie et de son ministre de l’Intérieur Fourtou (17 mai-19 novembre 1877). Lors de la campagne électorale acharnée d’octobre 1877, il soutient la candidature du maire d’Arras, Ernest Deusy, contre le bonapartiste Édouard Sens[académicien]. Après ces élections, Carlier doit affronter trois procès politiques : l’un est intenté par l'évêque d'Arras dont il avait dénoncé la collusion avec les légitimistes, un autre par le préfet, et le troisième, en diffamation, par le duc de Bassano.
Sa notoriété lui permet d’entrer au conseil municipal en 1879 ; il y restera jusqu’en 1918. Son engagement inconditionnel pour le triomphe de la république est récompensé sous la présidence de Jules Grévy. Il reçoit d’abord la Légion d'honneur (11 juillet 1882) en tant que « plus ancien journaliste républicain du Pas-de-Calais, et parce qu’il dirige le plus important organe de presse républicain du Pas-de-Calais ».
Il est ensuite nommé, en août 1883, inspecteur départemental de l’Assistance publique. Il met fin immédiatement à sa carrière de journaliste et de polémiste.
Commence alors pour lui, sans transition, une carrière d’homme public dévoué. Il dirige l’Assistance publique du Pas-de-Calais durant vingt-et-un an, jusqu’en août 1904. On le retrouve dans tous les conseils d’administration des organismes d’assistance : secrétaire du comité départemental pour la protection des enfants du premier âge (1884), pour qui il crée les services de consultation des nourrissons et l’œuvre de la Goutte de lait, administrateur de la société communale de secours mutuels (1888), membre du conseil d’administration du Mont-de-Piété d’Arras, membre de la commission cantonale d’assistance aux vieillards et de retraite, membre de la commission de surveillance de l’institution des Sourds-muets et jeunes aveugles (1893), administrateur de la commission des hospices et hôpitaux de l’arrondissement d’Arras, membre du comité de protection des enfants du premier âge, membre du comité de patronage des habitations à bon marché du Pas-de-Calais. En 1900, dans le cadre de l’Exposition universelle de Paris, il participe au congrès international d’assistance publique et de bienfaisance privée (30 juillet-5 août) et présente un monumental historique du service des Enfants assistés du Pas-de-Calais avant et pendant le XIXe siècle.
En tant que conseiller municipal, il est encore administrateur de la caisse d’épargne (1883) et secrétaire de son comité de direction (1886), administrateur de la société communale de secours mutuels (1888) et vice-président pendant huit ans, membre du comité d’inspection de la bibliothèque d’Arras (1887), membre de la commission de surveillance de l’École normale d’institutrices (1895), délégué cantonal.
Par ailleurs, il est membre assidu du conseil d’administration de l’association des anciens élèves du collège d’Arras, à qui il demeure très attaché.
C’est ce notable là, assagi des luttes politiques, qui est élu à l’Académie d’Arras et qu’Henri de Mallortie accueille par ces mots : « Monsieur, depuis plusieurs années, vous êtes rentré sous la tente ; aujourd’hui que la poussière du combat n’obscurcit plus votre horizon, vous semblez jeter un regard mélancolique sur ces pages écrites avec tant d’ardeur et de passion aux jours de lutte, et que le temps a emportées dans son tourbillon, comme, aux premiers froids d’automne, l’ouragan emporte les feuilles des bois ».
Il accepte, de 1902 à 1906, sous la présidence du baron Louis Cavrois de Saternault de seconder Léonce Viltart à la Chancellerie.
Nostalgie du passé ? Il figure dans la liste des collaborateurs de l’éphémère La vie arrageoise, mondaine, théâtrale, artistique, littéraire et sportive, moniteur des sociétés locales, (1910-1914).
Pendant la Grande Guerre, il se réfugie à Paris-Plage (Le Touquet), puis revient à Arras pour y mourir en 1919. Le Lion d’Arras, dans son numéro du 9 octobre 1919 lui rend ce bel hommage : « Nous apprenons la mort de M. Eugène Carlier, le sympathique conseiller municipal, décédé à Arras dans sa 78e année. M Carlier était certainement un de nos concitoyens les plus universellement appréciés, tant par l’aménité de son caractère que pour la largeur de ses idées et son dévouement illimité à l’intérêt public. Quoique malade et éprouvé par l’âge et la fatigue, M. Carlier dut rentrer à Arras il y a quelques mois sachant bien que c’était pour y mourir. On se souvient qu’il donna sa démission de conseiller municipal, mais que, très justement le Conseil refusa de l’accepter. Cette vie toute de probité et d’honneur, lui a valu hier des funérailles imposantes par le concours de populations accourues sur sa tombe. Le Lion d’Arras présente, à Mme Carlier et à sa famille, ses condoléances émues pour l’ami qui disparaît ».
Officier d'Académie (1897). Officier de l'Instruction publique (1902).
Publications dans les Mémoires de l’Académie d’Arras
« Discours de réception le 30 octobre 1890 », MAA, 2e série, t. XXII (1891), p. 33-62.
Autres publications
« Protection du 1er âge. Rapport de l'inspecteur départemental, année 1886 », Arras, 1887.
« Les secours temporaires à domicile », (Congrès international d’assistance, Paris), 1889.
« Département du Pas-de-Calais. Enquête sur la mortalité infantile ». Années 1897, 1898, 1899, 1900 et 1901, Arras, 1903.
« Le fisc et l’assistance publique » (Congrès national d’assistance, Lyon), 1894.
« Observations sur l’application de la loi relative aux enfants moralement abandonnés » (Congrès international de la protection de l’enfance, Bordeaux), 1895.
« Les enfants assistés dans le Pas-de-Calais avant et pendant le XIXe siècle », Arras, 1900.
Sources
État civil : naissance, AD 62, 5 MIR 006/1, p. 926/1267 ; mariage, AD 62, 3 E 041/455, p. 73/81 ; décès, AD 62, 3 E 041/550, p. 54/82.
Base Léonore, LH/428/87.
MALLORTIE Henri de, « Réponse au discours de réception de M. Carlier, le 30 octobre 1890 », Mémoires de l’Académie d’Arras, 2e série, t. XXII (1891), p. 63-86.
DEFURNE G. et SERGEANT F, Dictionnaire biographique de la ville d’Arras et de son arrondissement, Arras, 1906.
DUPRET Henri, « Discours de réception le 15 décembre 1921 », Mémoires de l’Académie d’Arras, 3e série, t. 1 (1921), p. 232-243 et, TIERNY Alphonse, « Réponse au discours de réception de M. Dupret », p. 245-253.
VISSE Jean-Paul, « L’Avenir de l’Artois », La presse arrageoise, 1788-1940, 2009.
GUISLAIN Jean-Marc, « Les représentants du Pas-de-Calais à l'Assemblée Nationale (1871-1875). Elections et activités parlementaires », Revue du Nord, n° 267 (1985), p. p. 967-993.
Michel Beirnaert