Victor Leroy
Victor Leroy

Éterpigny 05.04.1856 - Arras, 22.11.1922. Commerçant, photographe, maire (1919-1922) des débuts de la reconstruction d'Arras après la Grande Guerre, président de l'Union Artistique. 

Élu le 12 mars 1920 pour succéder à Gustave Acremant sur le 16e fauteuil. Il est remplacé en 1923 par Fernand Lennel.

Victor Leroy est le fils de Louis, chirurgien et de Victorine Wartelle. Il épouse Eugénie Adeline Jeanne Bernaud (1861-1939). Le couple aura quatre enfants : Oscar, Louise, Henri et Victor. Il dirige à Arras pendant quarante ans, un magasin de droguerie et de produits chimiques et s’adonne aussi, avec sa fille, à la photographie. Ces activités ne l’empêchent cependant pas de s’intéresser aussi à l’histoire locale.

Sa probité, son esprit d’impartialité, sa puissance de travail étaient déjà reconnus avant la guerre. Comme juge au tribunal de commerce de 1894 à 1904 puis comme membre de la chambre de commerce, il était réputé pour ne rendre un jugement qu’après un examen minutieux des faits et des textes. Dévoué, il est administrateur du Mont de Piété. Cultivé, il devient aussi membre de la Commission des Monuments historiques, de la Commission des Beaux-Arts et des Antiquités au musée, président de l’Union artistique du Pas-de-Calais de 1856 à 1922.

Son sens du devoir le pousse à rester durant toute la première guerre mondiale dans la ville ravagée par les obus. Il ne se contente pas d’être là mais participe activement au sauvetage d’une partie des archives de la bibliothèque, des œuvres d’art du musée et de la cathédrale pendant les bombardements des 5 et 6 juillet 1915 qui incendient le Palais Saint-Vaast et la cathédrale. C’est au cours d’une de ces « visites » qu’il sauve un parchemin : la charte signée par Philippe-Auguste en 1194 octroyant des libertés communales à Arras. Il la confie à Georges Sens, président de la Commission départementale des Monuments historiques, qui lui-même la remet à Roger Rodière, érudit montreuillois. Serviable à l’extrême, soutenu par l’aide attentive de son épouse et de ses enfants, il rend service à ses compatriotes qui ont fui vers la côte ou vers Paris en surveillant et protégeant autant qu’il le peut leurs habitations. C’est le cas de la maison de Louis Alice Advielle, conservateur du musée, réfugié à Montreuil-sur-Mer. Une correspondance s’établit entre eux entre le 12 mars 1915 et le 16 avril 1919. Leroy y décrit la ville, ses efforts pour sauver le maximum d’œuvres au musée et les faire parvenir au conservateur, pour les mettre à l’abri. Il décrit le quotidien de la ville martyre : bombardements, pillages par les régiments français puis anglais qui cantonnent à tour de rôle dans la ville et ses caves. S’il souffre de voir beffroi, cathédrale et nombreuses maisons s’écrouler, s’il déplore les exodes de la population, il se laisse rarement décourager. Dès 1915, il participe, avec neuf autres personnalités, à une commission qui est présidée par le maire Rohart-Courtin et qui doit mettre en forme un plan de reconstruction.

Tout au long de cette correspondance, que les Amis du musée et l’Assemca ont publiée en 2023, on découvre un homme attaché à sa ville, parfois exaspéré par la lenteur ou le manque de sérieux de certains collaborateurs. Il ne manque pas, au contraire, de faire connaître à Louis Advielle, les personnes qui lui apportent une aide, tels que les peintres Vigoureux et Demarle, très compétents et forts dévoués. Constamment, il garde une grande dignité et, même quand il écrit sous les bombes, il conclut ses lettres par une formule de politesse et d’amitié à l’égard de son correspondant et de son épouse.

L’État reconnaît son courage. Dans le journal officiel du 24 octobre 1919, il est écrit « est demeuré courageusement dans la ville qui fut bombardée fréquemment par avions et canons. S’est particulièrement distingué au mépris du plus grand danger au sauvetage des œuvres d’art du musée que l’incendie menaçait. A fait preuve en ces circonstances tragiques du plus beau dévouement, a également participé au sauvetage des archives de la chambre de commerce d’Arras dont il est membre depuis seize ans ». Il reçoit la croix de la légion d’honneur en 1920.

Alors qu’il décide de se retirer des affaires à l’issue de la guerre, il accepte en 1919 la lourde fonction de maire chargé de la reconstruction. Il met toute son énergie à moderniser la ville, à l’assainir, à l’embellir. Il achète l’hôtel Dhainaut pour y installer les bureaux de la mairie et réorganise les services municipaux. Il apporte son aide aux associations sportives et culturelles pour faciliter leur redémarrage. Il aimait voir par lui-même et connaissait tous les services de l’hôtel de ville. Il est admis à l’Académie en 1920 au 16e fauteuil où il remplace l’écrivain Gustave Acremant. Il est bien placé pour en faciliter matériellement la remise en route et dès juillet 1920, il offre de l’héberger dans la salle affectée à la bibliothèque municipale.

 Il meurt brusquement durant son mandat le 28 novembre 1922. Ses funérailles, le 2 décembre, sont célébrées, en présence d’une foule immense, à Notre-Dame des Ardents par Mgr Julien. Dans tous les témoignages, on salue « l’homme de devoir », affable, bienveillant, sympathique, souriant, travailleur, d’une droiture parfaite et qui consacra sa vie à ses compatriotes.

"La ville d'Arras lui doit son plan d'alignement et le sauvetage des oeuvres d'art du musée et de la cathédrale arrachées aux incendies et sous le bombardement... La collection de clichés photographiques qu'il a réunis et sauvés reste le plus précieux témoin de notre passé anéanti par la guerre. " (Georges Besnier, Les 30 fauteuils).

Sources 

Jean-Yves BEAUMONT, Jacques COCLET, Thierry DEHAY, Agnès et Gérard DEVULDER, Alain NOLIBOS, Laurent WIART, Arras, 1915-1919, sauver les œuvres du musée. Correspondance active de Victor LEROY avec Alice ADVIELLE, conservateur du musée, Les Amis du musée et l’ASSEMCA, 2023.

SENS Georges, « Paroles d’adieu prononcées par M. Georges Sens aux obsèques de M. V. Leroy, Maire d’Arras », Mémoires de l’Académie d’Arras, 3e série, t III (1923), p. 129-131.

Recueil des « Discours prononcés le samedi 2 décembre 1922 devant le cercueil de M. Victor Leroy, Maire d’Arras », Imprimerie Centrale de l’Artois, 1923.

Agnès et Gérard Devulder