Robespierre, artiste inconnu, Musée des Beaux-Arts, Arras
Robespierre, artiste inconnu, Musée des Beaux-Arts, Arras

Arras 06.05.1758 – Paris, 28.07.1794 (10 thermidor an II). Avocat (1781) et homme de fief gradué à la Salle épiscopale d’Arras (1782), député du tiers état d’Artois aux États généraux et à l’Assemblée nationale constituante (1789), accusateur public au tribunal criminel de Paris (1791), député à la Convention nationale (1792).

Élu le 15 novembre 1783 pour succéder à l'avocat Nicolas-Aubert de Crespioeul sur le 4e fauteuil; reçu le 21 avril 1784. À la refondation de l'Académie en 1817, son fauteuil est attribué au baron Bon Joseph Lallart.

Fils d’avocat, Maximilien de Robespierre naît à Arras, le 6 mai 1758. Il commence des études au collège de sa ville, puis obtient une bourse pour Louis-le-Grand à Paris où il termine son parcours par une maîtrise ès arts (1778) ; suivent trois années à la faculté de droit, à l’issue desquelles il s’inscrit comme avocat devant le parlement de la capitale, puis devant le Conseil d’Artois, qui en dépend en appel pour certaines causes civiles (1781).

Installé à Arras, Robespierre y introduit un mode de défense inspiré des causes célèbres parisiennes ; il le met en œuvre dans ses plaidoiries, comme à l’occasion de l’affaire du paratonnerre de St-Omer (1783), et plus encore dans ses mémoires judiciaires imprimés où il apprécie défendre des « malheureux » et pourfendre les « préjugés ». L’avocat est homme de lettres, et ses engagements s’expriment autant devant l’académie royale d’Arras qu’au prétoire : il prône la légalisation du prêt à intérêt (1786), dénonce la honte qui retombe sur les parents d’un condamné (1784), l’indignité des bâtards (1786), les femmes tenues à l’écart de la vie académique (1787), l’inégalité devant la loi (1787), les lettres de cachet (1789)... À la fois avocat, juge à la Salle épiscopale, académicien et membre des Rosati, son nom apparaît ponctuellement dans la presse, notamment après son succès dans l’affaire du paratonnerre (1783) et son prix reçu de l’académie de Metz (1784).

Avec 1789, sa notoriété s’accentue et devient politique. Après des élections tendues aux États généraux au cours desquelles il publie deux brochures patriotiques (À la nation artésienne, Les ennemis de la patrie), il est envoyé à Versailles par le tiers état de sa province. Dès le 18 mai, il y fait entendre sa voix ; très vite, il s’impose comme l’un des principaux orateurs démocrates de l’Assemblée nationale, aux côtés de Pétion ou de Buzot. Inlassablement, il s’oppose à la distinction des citoyens « actifs » et « non actifs » et à l’élargissement des pouvoirs du roi ; en 1791, il se prononce contre la peine de mort et l’esclavage. Il s’impose également comme l’un des principaux orateurs du club des Jacobins.

Une fois l’œuvre de l’Assemblée constituante achevée (30 septembre 1791), il rentre quelques semaines en Artois, puis s’installe de nouveau à Paris, où il a été élu accusateur public au tribunal criminel. Aux Jacobins, il s’engage, en vain, contre une guerre offensive. À l’été 1792, alors que les combats ont commencé contre la Prusse et l’Autriche, il approuve l’insurrection du 10 août et devient membre de la Commune insurrectionnelle.

Élu député à la Convention dans le Pas-de-Calais et à Paris, il choisit de représenter la capitale aux côtés d’hommes comme Saint-Just, Danton, Marat ou encore Augustin Robespierre, son jeune frère. Devenu l’un des principaux orateurs montagnards, il revendique une constitution démocratique, adoptée en juin 1793, après l’exclusion des meneurs girondins (2 juin). Entré au comité de Salut public le 27 juillet de la même année, il est l’un des hommes clés du gouvernement d’exception qui se met alors en place. C’est à lui que revient de « théoriser » un « gouvernement révolutionnaire » qu’il juge, en s’appuyant sur Montesquieu, devoir reposer sur les principes de « vertu » et de « terreur » (décembre 1793 et février 1794). À l’issue de la guerre des « factions » qui marque les premiers mois de 1794 et conduit à la guillotine les chefs cordeliers (Hébert, Ronsin...), puis « indulgents » (Danton, Desmoulins...), sa popularité et son influence inquiètent. Certains le soupçonnent d’ambitionner la « dictature » et de préparer de nouvelles proscriptions de députés.

Le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), il est arrêté, comme quatre autres conventionnels ; déclaré « hors de la loi » après une tentative d’insurrection, il est exécuté le lendemain, en même temps que Couthon, Saint-Just, Augustin Robespierre et nombre de membres de la Commune de Paris. Dans les jours qui suivent, il est dénoncé comme un libertin entretenant des maîtresses (Barras), ambitionnant d’accéder à la couronne (Barère) par la « terreur » (Tallien) et la traîtrise, Collot d’Herbois et Billaud Varenne l’accusant d’accointances avec les ennemis de la France.

Le 9 thermidor, pour autant, ne marque pas la fin de ce que les historiens ont appelé « la Terreur » (avec majuscule), car seule est rapportée la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794), qui a accéléré les procédures devant le Tribunal révolutionnaire. Ce n’est que progressivement que les prisons s’ouvrent, et l’année suivante seulement que la loi des suspects et le Tribunal révolutionnaire disparaissent. Quant à l’image d’un Robespierre « dictateur », froid et insensible aux femmes, elle s’élabore dans les mois et les années qui suivent sa disparition ; parallèlement, d’autres perceptions du personnage prennent forme, de celle du « saint » laïc des premiers républicains, à celle du traître à la cause populaire des blanquistes de 1848.

Robespierre entre à l’académie d’Arras le 15 novembre 1783, six mois après le succès du mémoire de Buissart et de ses plaidories dans l’affaire du paratonnerre (mai 1783), qui ont suscité les éloges de la presse ; il a à peine 25 ans. Le 5 février 1785, peu après avoir reçu un prix de l’académie de Metz, il en devient chancelier ; l’année suivante, quelques semaines après la publication d’un nouvel écrit, cette fois consacré au poète Gresset, il en est élu directeur « d’une voix unanime » (4 février 1786).

En six années, Robespierre prononce trois importants discours à l’académie, dont deux au moins ont été choisis dans l’optique de les présenter à des concours. C’est le cas de son discours de réception (21 avril 1784), consacré au préjugé « qui fait rejaillir sur les parents des criminels l’infamie attachée à leur supplice » ; il emporte un prix de l’académie de Metz l’été suivant. C’est aussi le cas de son discours sur les bâtards, prononcé à la séance publique du 27 avril 1786, pendant « sept quarts d’heure » ; originellement destiné à un nouveau concours organisé par l’académie de Metz, Robespierre renonce cependant à l’achever, faute de temps. L’avocat s’exprime également lors de la séance publique du 2 avril 1788, cette fois pour présenter ses « réflexions sur la jurisprudence criminelle » ; le texte ne paraît pas conservé, à moins qu’il ne s’agisse d’un éloge du président Dupaty, qui lui est parfois attribué.

L’on connaît également d’autres prises de parole de Robespierre à l’académie. Le 18 avril 1787, c’est lui qui répond aux discours de réception de quatre nouveaux membres honoraires : la femme de lettres Louise de Kéralio, l’apothicaire Opoix, le « savant et guerrier » Loynes de La Coudraye, futur constituant, et l’agronome Dumont de Courset. Le 9 janvier 1789, cette fois, il est chargé d’un mot d’accueil au duc de Guines, dans lequel il présente – selon ses propres termes – « le tableau des avantages que cette province pouvoit attendre des vertus et des talens supérieurs d’un gouverneur-citoien, qui l’avoit illustrée avant d’être appellé à l’administrer ».

Pour les sources et la bibliographie, seules sont mentionnées les références concernant le parcours académique de Robespierre (pour un inventaire des sources, voir H. Leuwers, Robespierre, Paris, Fayard, p. 423-430).

Sources 

- AD Pas-de-Calais, 32 J 316, journal manuscrit de l’académie d’Arras (1785-1793).

- AD Pas-de-Calais, fonds Berthe, correspondance personnelle de Dubois de Fosseux, carton II (copie de la correspondance entre Robespierre et Dubois de Fosseux).

- Arch. diocésaines d’Arras, fonds du chanoine Berthe, 4 Z 936/158.

- Académie des Sciences, Lettres et Arts d’Arras.

- Rosati.

- Certaines lettres de l’académicien sont éditées dans les Œuvres de Maximilien Robespierre (désormais OMR), Paris, SER, rééd. 2011, t. II et t. XI.

- Voir aussi le discours inédit de Robespierre sur les enfants naturels : Léon Noël Berthe, Maximilien de Robespierre. Les droits et l’état des bâtards, Arras, Académie des Sciences, Lettres et Arts, 1971 (reproduit dans OMR, XI, p. 137-183).

- Voir encore, dans le t. XI des OMR, les réponses de Robespierre aux discours de réception de Louise de Kéralio et de Christophe Opoix (p. 185-201).

Bibliographie

- BERTHE, Léon-Noël, Dubois de Fosseux, secrétaire de l’académie d’Arras, 1785-1792, Arras, chez l’auteur, 1969.

- LEUWERS, Hervé, Robespierre, Paris, Fayard, 2014.

Avant 1789, outre douze mémoires judiciaires imprimés au moins, Robespierre publie plusieurs travaux académiques :

- Discours couronné par la Société royale des arts et des sciences de Metz, [...] par M. de Robespierre, avoc. en parlement, Amsterdam, et se trouve à Paris, Mérigot jeune, 1785, 60 p. (reproduit dans OMR, I, p. 20-63).

- Éloge de Gresset. Discours qui a concouru pour le prix proposé par l’académie d’Amiens en l’année 1785. Par M. ... avocat en parlement, Londres, 1786, 48 p. (reproduit dans OMR, I, p. 119-147).

- Est attribué à Robespierre un hommage au président Dupaty : Éloge de messire Charles-Marguerite-Jean-Baptiste Mercier Dupaty, président à mortier au parlement de Bordeaux. Par M. R., avocat en parlement, s.l., 1789, 46 p. (reproduit dans OMR, I, p. 161-181). Nombre d’auteurs attribuent cependant ce discours à l’avocat Réaud.

H. LEUWERS

 

Début du discours de réception de Robespierre à l’académie d’Arras

Élu le 15 novembre 1783, Robespierre prononce son discours de réception lors de la séance publique du 21 avril 1784.

L’ambition d’obtenir un titre littéraire détermine beaucoup de personnes  à briguer l’adoption des compagnies  savantes : pour moi j’ai trouvé un motif suffisant de désirer la vôtre dans l’estime et dans la vénération que m’inspiraient les qualités personnelles de ceux à qui j’ai maintenant l’honneur d’être associé.

Votre choix a couronné mes vœux : moins j’avais droit de l’espérer, plus il m’est doux de l’avoir obtenu. L’indulgence qu’il suppose de votre part me le rend mille fois plus cher. Loin d’être humilié de l’insuffisance de mes titres, j’aime à me la rappeler sans cesse pour y trouver un nouvel aliment à ma reconnaissance…