Eugène Julien
Portrait de monseigneur Julien, évêque d'Arras, par Charles Dhuin (© Archives diocésaines d’Arras)

Canville-les-Deux-Églises (Seine-Inférieure) 16.01.1856 – Arras 14.03.1930. Évêque d’Arras depuis 1917. 

Élu le 12 mars 1920 pour succéder au vicaire-général Joseph Depotter, vicaire-général sur le 13e fauteuil ; reçu solennellement le 26 octobre 1922, il est remplacé en 1930 par le chanoine Édouard Fournier.

Il est le fils d’un instituteur normand, secrétaire de mairie et sacristain-chantre. Très doué, il mène parallèlement des études de lettres et de théologie au séminaire de Rouen ; licencié ès-lettres en 1879, ordonné prêtre en 1881, agrégé de grammaire en 1883.

Son ministère a d’abord pour cadre le diocèse de Rouen où il s’exerce à tous les ministères.

Professeur au collège d’Yvetot (1882-1892), il est un pédagogue et un directeur spirituel apprécié. Secrétaire du cardinal Thomas, archevêque de Rouen (1892-1894), il rédige les mandements de ce prélat social et rallié à la République. Supérieur de l’institution Saint-Joseph du Havre (1897-1911), il y met en place un système d'éducation dans la liberté, en éliminant « les contraintes inutiles et les punitions artificielles ». Il y crée aussi une Conférence d’études  sociales. Proche des catholiques libéraux et des catholiques sociaux, il écrit dans Le Correspondant, et il caresse le rêve d’une réconciliation avec les réformés dans son livre Bossuet et les protestants (1910). Archiprêtre de Notre-Dame du Havre (1911-1917), il est un prédicateur très écouté, et il anime les Oeuvres de jeunes, de femmes et d’hommes ; pendant la guerre, il est attentif à l’importante colonie de Belges repliés au Havre. Patriote ardent, admirateur de Jeanne d’Arc, il condamne la haine des personnes ennemies et refuse les représailles en face « d’atrocités ».

Recommandé par son archevêque le cardinal Dubois et par son ancien élève, Victor Bucaille, chargé de missions officieuses par la France auprès du Vatican, il est nommé le 22 mars 1917 évêque d’Arras.

L’Académie d’Arras s’empresse de l’élire en son sein, à sa reprise en 1920, et il est reçu  le 26 octobre 1922 par Jean Paris, vice-chancelier. Il est le premier et seul évêque d’Arras qui soit entré dans l’Académie comme membre actif, les prédécesseurs et les successeurs se bornant à n’accepter que le titre de membres d’honneur. Mais son emploi du temps l’oblige à se faire représenter lors de la plupart des séances.

À Arras, il est d’abord l’évêque de la reconstruction. Il arrive dans une ville en ruines et dans un diocèse dévasté où plus de deux-cents-trente-huit églises sont à reconstruire en tout ou partie. Ses bonnes relations avec les autorités civiles facilitent cette reconstruction. Il s’attache à faire reconstruire sur le plateau d’Ablain-Saint-Nazaire l’antique chapelle de Notre-Dame de Lorette détruite dès les premiers combats. Au milieu de la plus grande nécropole de France, le nouvel ensemble monumental construit par Louis-Marie Cordonnier et financé par souscription, de 1921 à 1927 devient l’un des principaux lieux de mémoire. La conclusion de l’épitaphe que Mgr Julien fait graver sur les quatre faces de la Tour Lanterne « …Peuples, soyez unis, Hommes, soyez humains ! » résume ses convictions et son action.

Pacifiste convaincu, Mgr Julien s’engage pour la paix et la réconciliation. Dès le début de son épiscopat, il participe à une mission patriotique, du 7 octobre au 23 novembre 1918 aux États-Unis où il est séduit par l'idéalisme pacificateur de Wilson. Militant pour une paix durable, il publie en 1919 La Société des Nations, une théorie catholique et en 1923, Le devoir international des catholiques. Il se rend en Pologne en 1924 d’où viennent vers son diocèse de nombreux immigrés. Conférencier régulier lors des Semaines Sociales annuelles, il donne un cours lors de la session du Havre, le 5 août 1926, sur "La doctrine traditionnelle de l'Église sur les règles de la vie internationale, dans l'état de guerre et dans l'état de paix". Le 17 août 1926, il prononce à Bierville, au Congrès de la paix organisé par Marc Sangnier, devant une importante délégation allemande, un discours sur « L'espérance d’une Europe pacifiée ». Pionnier d’une entente franco-allemande, il adhère au comité franco-allemand du Luxembourgeois Mayrisch.

Sur le plan national, il s’engage pour pacifier et normaliser les relations entre l’Église et l’État. Sa Lettre sur "La paix religieuse en France" (1922) veut « dégager la religion des intérêts de parti » en vue d’un ralliement véritable de l’Église à la République. Il soutient auprès du Vatican l’ambassadeur de France Jonnart, et plaide pour l’accord sur les associations diocésaines, ratifié en 1924. En novembre 1924, lors du Congrès régional des catholiques à Lille, saluant Le redressement des forces catholiques, il récuse le « Politique d’abord » de Maurras, ainsi que « le mussolinisme et ses diverses incarnations », au profit « d’une action religieuse et sociale prioritaire et énergique ».

Pour administrer son diocèse, il fait confiance à ses trois remarquables vicaires généraux, Charles Guillemant* (affaires générales et clergé), Paul Hoguet (œuvres et action catholique) et Édouard Maréchal (affaires économiques).

Prélat lettré, élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques en 1925, il reste attentif aux personnes : les prêtres, évoqués dans un livre savoureux, Le Prêtre (1925), les couples, salués dans des discours de mariage. À  la Semaine sociale de Nancy, en 1927, il demande que le catholicisme, « qui a le génie de l’universel », consolide une démocratie qui inclura le suffrage des femmes, contribue à établir la justice sociale, et fortifie l’entente internationale préfigurée par la SDN.

Ce prophète, qui a au moins vingt ans d’avance sur ses contemporains, meurt en 1930 et repose à Notre-Dame de Lorette. 

 

Publication dans les Mémoires de l’Académie d’Arras

Discours de réception le 26 octobre 1922, MAA, 3e série, t. II (1922), p. 167-180

 

Publications 

Aux glorieux morts de Lorette (1921-1929), Arras, 1930

Sermons de circonstance, Paris, 1930.

Saint François de Sales, Paris, 1928.

L’Évangile nécessaire à l’ordre international, Paris, 1927.

L'Éducation de la femme dans le temps présent. Semaine sociale de Nancy, cours du 3 août 1927

La Doctrine traditionnelle de l'Église sur les règles de la vie internationale, dans l'état de guerre et dans l'état de paix. Semaines Sociales du Havre, cours du 5 août 1926

Le Devoir civique ou les obligations d'un bon citoyen, Arras, 1925

Le Prêtre, Paris, 1925.

L’Évangile nécessaire à l’ordre social, Paris, 1924.

À la mémoire des 100 000 héros tombés à Lorette, Arras, 1920

Vers la victoire, discours 1914-1919, Paris, 1920.

Bossuet et les protestants, 1910.

Triptyque à la gloire de Jeanne d’Arc, 1910.

Le Conflit : les mots, les idées, les faits, 1904.

 

Sources

Arch. dioc. Arras, fonds Mgr Julien, 3 Z 9.

HILAIRE Yves-Marie, « Mgr Julien », dans M.BEIRNAERT, A.CASSAN, X. BONIFACE, Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, t. 11, Arras, Artois, Côte d’Opale, Paris, Beauchesne, 2013.

HILAIRE Y.M., « Mgr Julien » dans D.-M. DAUZET et F. LEMOIGNE, Dictionnaire des évêques français du XXe s, Paris, Cerf, 2010, p.362-363.

HILAIRE Y.-M., « Notes sur un éducateur, Mgr Eugène Julien (1856-1930), évêque d’Arras (1917-1930) », Regards sur l’Histoire du Nord-Pas-de-Calais, Études en l’honneur d’Alain Nolibos, Arras, Artois Presses Université, 2003, p.131-135.

BELLART Ghislaine, Papiers personnels de Mgr Julien, Lille, PUL, 1980.

MONTIER E., Mgr Julien, rééd. Paris, Beauchesne, 1971,

GAQUERE François, Mgr E.L. Julien, Arras, Œuvres missionnaires, 1971.

PARIS Jean, Réponse au discours de réception de Mgr Julien, MAA 1922, 3e série, t II (1922), p. 181-194.

FOURNIER Édouard, Discours de réception, MAA, 3e série, t. X (1931), p. 329- 1930,

 

Michel Beirnaert